Ou quels problèmes psychiques peuvent se cacher derrière les problèmes de poids ?

L’alimentation et la physiologie sont loin d’être les seules clés de la perte de poids. La psychologie est elle aussi une clé centrale, surtout pour les problèmes de poids chroniques. En effet, quand ces problèmes nous accompagnent au fil des années sans jamais ne se résoudre ni se dépasser tout à fait, on est en droit, ou plutôt en devoir, de se poser la question du sens que cela a, du sens psychique de cette problématique, du sens symbolique de ces kilos. « Que se cache-t-il derrière cette carapace adipeuse ? »

En effet, si nous n’arrivons pas à régler ce problème malgré une bonne santé, une bonne hygiène de vie et une alimentation adaptée, c’est que le problème est ailleurs. Parfois il est en lien avec un blocage physiologique et hormonal complexe, et parfois il s’agit d’un blocage psychologique sous-jacent.

« Qu’est-ce qui m’échappe dans cette histoire ? Quelle est cette part invisible, inconsciente, qui semble agir malgré moi ? » Voilà une question très intéressante à se poser et qui recouvre des réalités très différentes pour chacun. Les réponses vont donc être multiples. Je ne suis pas psychologue ni psychiatre, mais je vais tâcher, ici, d’évoquer quelques pistes pour alimenter votre réflexion sur le sujet à partir de mon expérience tant personnelle que professionnelle, de ma formation et des recherches faites pour l’écriture de mon mémoire « L’accompagnement naturopathique du surpoids : importance de la sphère psycho-émotionnelle ».

Les rapports entre l’alimentation et les affects ou émotions sont très complexes et archaïques. Ils remontent au tout début de la vie. En effet, si les émotions sont une dimension essentielle de notre relation à l’alimentation c’est sans-doute car notre expérience d’êtres humains a commencé par un lien très étroit tissé entre l’aliment que l’on reçoit de la mère (ou du substitut maternel) et le lien affectif qui se construit entre ces deux êtres. Le goût et l’affect se développent dans le même temps dès la mise au sein du nourrisson.

Notre rapport à la nourriture a donc souvent à voir avec le lien à la mère, la mère nourricière. A-t-il été suffisamment bon et apporté une sécurité de base ? Michel Oudoul dans son livre « Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi » dit que « Les excès ou prise de poids sont les signes de notre insécurité matérielle et affective par rapport à l’avenir proche ou lointain ». On peut parler d’autonomie psychique et affective. On peut donc évoquer ici la peur de manquer qui peut se cacher derrière l’engloutissement de nourriture en prévision inconsciente d’éventuelles périodes de disette. Cela peut évoquer, comme l’alcoolisme ou le tabagisme, notre rapport à l’oralité, le contrôle de ce qui rentre à l’intérieur de nous pour apaiser une angoisse sous-jacente.

Quel vide existentiel cherche-t-on à combler ? Le besoin compulsif d’avaler de la nourriture vient pour certains combler une absence d’épanouissement personnel, le vide de leur vie, la nourriture étant leur seule source de satisfaction. Ici le problème de poids est donc l’arbre qui cache la forêt. Le Dr Apfeldorfer dit dans « Maigrir, c’est dans le tête » : « Quand on est gros, on « sait » pourquoi on est malheureux et on peut entretenir l’espoir qu’en maigrissant tout s’arrangera ». Alors, posons-nous la question de quoi a-t-on vraiment faim ?

Le rapport à la nourriture, quand il est connoté par une préoccupation de poids, parle aussi de notre rapport au plaisir, à la pulsion, de la capacité à différer le plaisir, à sublimer la pulsion, à dépasser le plaisir immédiat pour satisfaire un plaisir à plus long terme qui sera procuré par le fait d’atteindre son objectif de perte de poids et du bien-être qui y est associé. Et quelles sont d’ailleurs les valeurs hautement valorisées qui nous motivent pour atteindre cet objectif. En quoi est-ce vraiment important ? Qu’est-ce que cela vient toucher chez nous ? C’est bien de le clarifier avant de chercher à perdre du poids car ça viendra soutenir notre motivation sur le chemin de la minceur saine et durable.
Ce problème de poids peut aussi mettre en jeu notre rapport au plaisir et à l’interdit, à la dualité bien/mal. C’est alors le cercle vicieux que beaucoup connaissent :

Plaisir immédiat ⇒ Restriction  ⇒ Frustration ⇒ Compensation ⇒  Culpabilité.

Une alternance de contrôle (et parfois hyper-contrôle, perfectionnisme) et de perte de contrôle.

Pour en sortir il faudra alors sans-doute travailler le lâcher-prise, l’écoute des besoins, la capacité à faire des choix, des priorités, à ne plus être dans le « tout ou rien » pour prendre soin de soi et de ses besoins au quotidien en fonction de l’instant présent.
On peut aussi évoquer l’ambivalence qui est souvent présente dans ces questions de poids. Une partie de moi désire une chose (la santé, le bien-être, la minceur) et une autre partie de moi en désire une autre (le plaisir immédiat). Comment réconcilier ces différentes parties de moi ? Peut-être en les faisant dialoguer entre elles pour que le besoin qu’elles tentent chacune de combler soit pris en compte sans être pour autant en conflit interne ? On ne peut être en guerre, en lutte contre soi-même toute sa vie. Il faut donc tâcher de se réconcilier avec soi-même, de retrouver de l’harmonie à l’intérieur de soi. Il est également souvent question de se réconcilier avec la nourriture qui a été diabolisée par l’éducation ou par soi-même au fil des années et des kilos.

Ah, l’éducation ! Parlons-en : Toutes ces croyances transmises sur la nourriture, sur les gros/ les maigres, sur notre identité personnelle ! Exemples : « Tout ce qui est bon est interdit », « Finis ton assiette, pense aux petits africains qui meurent de faim », « Le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée », « Un repas, c’est une entrée, un plat, fromage et dessert », « Les gens qui ont de l’embonpoint sont des bons vivants, joviales, gais, chaleureux », « Les gens minces ne sont pas drôles », « Là où il y a de la gêne, il n’y a  pas de plaisir », « Les obèses sont faibles, ils n’ont aucune volonté et se laissent aller », « Tu es la grassouillette de la famille, il en faut bien une ». Et j’en passe et des meilleurs… Chacun son héritage, mais après il faut faire avec car cela a laissé des traces en nous et on en voit les échos dans nos vies pendant longtemps ; parfois toute la vie. Alors prenons cinq minutes pour en prendre conscience pour ne pas en être prisonnier.
A cela peut se rajouter un problème de loyauté. Mincir devient alors synonyme de trahir les siens, trahir la culture familiale de l’embonpoint.
Parfois un travail en thérapie systèmique, sur les constellations familiales ou en psychogénéalogie, est nécessaire pour dénouer ce qui est en lien avec notre cellule familiale proche ou nos ascendants. Les uns peuvent avoir besoin de prendre plusieurs places physiquement à défaut de la prendre dans la réalité de leur vie, d’occuper l’espace dans la famille avec ce corps, d’autres se punissent avec les kilos et expient quelque-chose. Il peut s’agir par exemple d’une colère refoulée qui nous dévore, une agressivité retournée contre soi.

Certains se donnent avec leurs kilos une contenance pour s’affirmer, s’imposer, pour faire le poids ou contre-poids, pour être une personne forte. D’autres forment une carapace de kilos entre eux et les autres. Ils mettent les autres à distance suite à un traumatisme. Michel Oudoul dit « ça nous permet de mettre de l’épaisseur entre le monde et nous, de nous protéger par un édredon de chair et de graisse. Les gros sont d’ailleurs très souvent tendres et fragiles et ont un grand besoin d’être rassurés »
Certaines peuvent même abîmer leur corps, avec les kilos pour mettre les hommes à distance, pour éviter tout rapport de séduction.

C’est quelque-chose de très intime et très profond. Cela parle de notre rapport à nous-même et aux autres, de notre rapport à la vie et souvent d’un grand manque d’estime de soi. Cela parle de toutes ces émotions qui ne sont pas accueillies, qu’on ne laisse pas émerger, qu’on n’arrive pas à gérer, qui nous dépassent, qui débordent ou auxquelles on s’accroche, qu’on ne veut pas lâcher et qui forment ces kilos émotionnels. L’alimentation devient réconfort, apaisement de quelque-chose dont on n’a même pas forcément conscience. Elle sert à tout sauf à ce à quoi elle devrait servir, c’est à dire s’alimenter. Elle finit par accompagner autant les émotions positives que négatives sans plus aucun rapport avec nos sensations physiques de faim, de plaisir ou de satiété.

A cela se rajoute la peur du regard des autres, la peur de grossir qui rajoute une source de stress et d’angoisse. Et même quand on arrive à perdre ses kilos, encore faut-il devenir une personne mince, accepter ce nouveau schéma corporel et être bien avec.

Pour finir ce tableau complexe, on peut enfin évoquer les TCA : troubles du comportement alimentaire que sont la boulimie et l’anorexie qui nécessitent une prise en charge psychologique par une spécialiste.

Quand on cherche à perdre du poids, il s’agit donc de se poser la question de l’objectif visé, des enjeux sous-jacents, du contexte propice ou non, du travail qu’on est prêt à faire ou non et de si on a réellement quelque-chose à y gagner. On a souvent des bénéfices secondaires à cette situation (Eh oui !). Est-on prêt à y renoncer ? Est-on prêt à prendre toute notre responsabilité pour changer ce qui peut l’être et accepter ce qui ne peut pas l’être ; Ce qui est très différent de se résigner et ne rien faire. Est-on prêt à ré apprivoiser son corps, à apprendre à l’aimer, à s’aimer, à prendre soin de soi comme le ferait notre meilleure amie, à entamer cette démarche de réconciliation, d’apaisement profond, de retour à l’harmonie et à la congruence, à « être enfin soi m’aime ».

J’espère avoir ouvert ici quelques portes qui vous aideront sur votre chemin.